Des pistes contre la tuberculose En 2010, le monde comptera près de 10 millions de nouveaux cas de tuberculose. Un chiffre inquiétant, malgré des succès réels, alors que se développent des résistances aux traitements. Deux articles, publiés jeudi 13 mai par la revue américaine Science, explorent les raisons d'une telle situation et définissent des directions pour la recherche. Dans le même numéro, d'autres articles font de même pour le paludisme. Les avancées de la lutte contre la tuberculose sont bien réelles, indiquent Christopher Dye (OMS) et Brian Willams (Centre sud-africain d'épidémiologie, de modélisation et d'analyse, Stellenbosch), auteurs d'un des deux articles. Plus de 36 millions de personnes ont été traitées avec succès à travers le monde et 8 millions de vies sauvées au cours de la période 1995-2008, selon l'OMS. L'objectif de traiter 85 % des malades a été dépassé en 2007-2008. Parmi les Objectifs du millénaire pour le développement, celui de diminuer de moitié par rapport à 1990 les niveaux de prévalence et de mortalité de la tuberculose devraient être atteints dans quatre des six régions désignées par l'OMS. Le bât blesse dans les deux autres, l'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud-Est. "Quatre-vingts pour cent des 9,8 millions de nouveaux cas attendus pour 2010 se produiront dans les 20 à 25 pays les plus touchés et plus d'un tiers auront lieu en Inde et en Chine", soulignent Christopher Dye et Brian Williams. Plusieurs facteurs expliquent, selon les auteurs, les difficultés à contrôler la tuberculose. Le premier tient aux limites du modèle épidémiologique. Ce "modèle standard" distingue une phase rapide, suivie d'une phase lente, dans l'infection. Simplificateur, il "rend plus aisés les calculs épidémiologiques et facilite la prise en charge des patients". Il a cependant l'inconvénient de s'appuyer sur l'évolution de la tuberculose dans les pays développés et a peu été suivi de succès dans les pays en développement. Les auteurs évoquent également le fait que certaines souches de Mycobactrium tuberculosis, l'agent de la maladie, se transmettent plus facilement que d'autres et que les individus ne sont pas égaux face à la tuberculose, notamment du fait de caractéristiques génétiques. S'y ajoute la concomitance de maladies chroniques comme le diabète ou celle de l'infection par le virus du sida. Dans un second article, trois auteurs américains, David Russel (Cornell University), Clifton Barry (National Institutes of Health) et JoAnne Flynn (University of Pittsburgh) pointent des lacunes dans les connaissances et les outils scientifiques et insistent sur la nécessité de définir de "nouvelles stratégies d'intervention applicables aux pays qui en ont le plus besoin". Ils avancent des hypothèses pour expliquer la protection immunitaire variable que le vaccin BCG induit : le fait qu'il soit devenu trop atténué pour susciter la réponse voulue ou, par exemple, le rôle que jouerait, en Inde, l'exposition des enfants à d'autres mycobactéries dans l'environnement. Ils suggèrent plusieurs pistes pour de nouvelles stratégies vaccinales, en attendant un autre vaccin : améliorer le BCG par l'adjonction d'antigènes provoquant une réponse immunitaire plus forte ; employer l'agent de la tuberculose en lui retirant les gènes responsables de sa pleine virulence plutôt qu'utiliser, comme dans le BCG, Mycobaterium bovis ; recourir à une stratégie d'amplification de la réponse immunitaire initiale ("prime boost"). En ce qui concerne les traitements, actuellement à suivre sur six mois, David Russel et ses collègues pointent le "besoin immédiat dans les pays à faibles ressources de médicaments agissant vite et efficacement". Ils devraient aussi s'attaquer à la mycobactérie lorsque l'infection est latente et pas seulement, comme les traitements disponibles, lorsque l'agent infectieux est en phase de multiplication. De même, avancent les auteurs, la recherche thérapeutique devrait s'intéresser au métabolisme de la bactérie pour y découvrir des points faibles. Enfin, David Russel et ses collègues insistent sur "l'absence complète de biomarqueurs du statut de la maladie", permettant d'en juger la progression vers une forme active, et sur l'importance cruciale d'avoir un "système de santé publique disposant de ressources appropriées et gérées efficacement". source: le monde.fr