Un tian, ce n’est pas qu’un gratin ! C’est avant tout un concentré d’histoires et de saveurs provençales, le chant des cigales en une seule bouchée… En provençal, le tian désigne une cuvette évasée de forme ovale ou ronde, en terre vernissée, d’environ 10 cm de haut et de 30 à 40 cm de large. Cette cuvette pouvait servir à faire… la vaisselle, aussi bien qu’à se laver les mains, puisqu’elle servait d’évier ! Vernissée, elle passait sans problème au four. Par extension, le tian désigne maintenant un plat à gratin, qui peut être carré, ovale ou rond, sans anse, et par métonymie il désigne aussi le contenu du dit plat à gratin. Traditionnellement, ce gratin est plutôt de légumes, mais ce qui importe est sa disposition en couches régulières, façon tarte aux pommes. Les origines de ce plat semblent lointaines, puisqu’on le retrouve sous la plume de Frédéric Mistral, qui affirme que le plat fut servi à Louis XIV… On le retrouve dans toute la Provence, avec une prééminence marquée dans la région de Carpentras et de Grasse. Plat sans prétention, la lenteur de sa cuisson et la délicatesse de ses saveurs en font le plat idéal de l’été. Le tian : l'art de la simplicité Le tian, c’est 15 min de travail au maximum, qui ne nécessite que 3 instruments, présents dans toutes les cuisines, même de location : - une planche à découper, - un couteau bien aiguisé - un plat à gratin (un tian, si vous avez tout suivi) La technique est simple : - Découper : en rondelles plus ou moins fines,selon l’effet recherché et le temps de cuisson dont vous disposez. Aubergines, pommes de terre et courgettes sont à couper en rondelles d’environ 2-4 mm, tandis que les tomates et les oignons supportent des tranches plus épaisses (6 à 8 mm d’épaisseur). - Disposer : tout l’art du tian est de disposer les éléments de façon régulière et artistique. En spirale si le plat est rond, en rangées en alternant les couleurs des ingrédients si le plat est rectangulaire… C’est si simple que les enfants sont les bienvenus pour vous aider si le plat est grand ! - Assaisonner : ail ciselé,herbes fraîches (basilic effeuillé, romarin, laurier qui se marie divinement avec les pommes de terre), ou sèches (origan, si bon avec la tomate, thym…), sel fin, poivre du moulin ou une touche de piment d’Espelette, c’est le moment de vous lâcher. Attention à ne pas en mettre trop : la cuisson étant très longue, les saveurs ont tendance à se décupler. En touche finale, de l’huile d’olive, provençale si possible, à la saveur verte et fruitée, à ajouter tout simplement en filet, juste pour confire les légumes. - Enfourner : dans un four préchauffé à 150-160° (soit th. 5), et pour très longtemps, en général 2h. On peut aussi le couvrir d’une feuille d’aluminium (qui ne doit pas être en contact avec les aliments) pour lui permettre de cuire plus vite, mais dans ce cas le tian ne dorera pas,sauf si vous finissez la cuisson à découvert. - Patienter puis déguster : le tian est bon chaud, tiède et même froid, et il est souvent, pour les tians de légumes, encore meilleur réchauffé. Il est parfait préparé à l’avance et se conserve sans problème 48h au réfrigérateur. A vos tians, prêt, enfournez ! La star : le tian de légumes Les tians que l’on rencontre les plus souvent sont les tians à base de légumes du soleil : tomates, courgettes, aubergines, plus rarement les poivrons dont la forme oblongue se prête moins facilement à un découpage harmonieux. D’ailleurs, si vous vous souvenez du film Ratatouille, le plat cuisiné par Rémy pour plaire au critique Anton Ego n’est pas à proprement parler une ratatouille… mais plutôt un tian, les légumes étant artistiquement disposés en rosace dans un plat rond ! Mais si le film s’était nommé Tian, il est à parier que son succès eut été bien moins grand (ratatian, ça fait un peu plan plan quand même). Mon astuce pour tous les tians de légumes : je n’oublie jamais de frotter mon plat à l’aide d’une gousse d’ail coupée en 2. De la sorte, le plat en est tout parfumé, mais en délicatesse. Irrésistible ! Si le tian n’accompagne pas une viande ou un poisson, il est facile de le transformer en plat complet en ajoutant des rondelles de fromage. La mozzarella a tendance à rendre trop d’eau : préférez lui du chèvre, notamment en bûche, à la forme idéale, ou du délicieux halloumi, fromage chypriote qui grille sans s’étaler. Quand l’été s’en sera allé, vous pourrez quand même mijoter le traditionnel tian de coucourde, en français tian de potiron. Il vous suffira de couper en tous petits dés une belle tranche de potiron, de l’accommoder comme ci-dessus d’herbes et d’huile d’olive, et de le laisser longuement confire au four. Un régal qui me rendrait presque impatiente d’arriver en hiver ! Quelques idées de tians de légumes : Tian provençal Tian courgettes-oignons Tian de légumes au chèvre Tian de légumes au chèvre et au miel Tian de courgettes, pommes de terre et chèvre Tian de blettes Tian de potimarron. Tians de viande ou de poisson Parce qu’un tian vaut mieux que deux tu l’auras, le tian permet également de cuisiner viande et poisson ! Traditionnellement, au rayon poisson, ce sont la morue, la sardine et les anchois que l’on utilise. Le tian de morue aux épinards, agrémenté parfois de pommes de terre, est une spécialité de Carpentras. Quant aux sardines, une fois ôtée l’arête principale et serrées… comme des sardines dans le tian, la cuisson au four, en compagnie d’aromates, de chapelure et d’huile d’olive, leur donne des saveurs incroyables, comme dans ce simplissime gratin. Quant à la viande, c’est l’agneau qui règne bien sûr, mais je trouve que le lapin s’en accommode particulièrement bien, notamment avec des courgettes. Je triche en le préparant à part et en le présentant tranché directement sur le plat, afin que la viande ne soit pas desséchée par la longue cuisson au four. Pour les tians contenant de la viande, il est donc sage de recouvrir son plat d’aluminium. Un tian pour mon dessert ? Plus légers qu’une tarte, plus simples encore à faire qu’un tiramisù, les tians de fruits, servis tièdes ou froids, sont à découvrir ! On procède de la même manière que pour les tians de légumes : on tranche, on dispose, on assaisonne et on cuit. Bien sûr, l’assaisonnement peut comporter de l’huile d’olive, qui va si bien avec les pêches et les abricots, mais c’est le moment d’improviser sur les herbes et les épices ! On n’oublie pas de sucrer mais très légèrement : miel, sucre roux ou complet pour plus de goût, sirop d’érable… Quelques associations qui décoiffent : Tranches d’ananas + estragon + cassonade Abricots + basilic + sirop d’orgeat Rhubarbe+framboises+gingembre+miel Tian de brugnons bicolores à la réglisse 3 brugnons jaunes 3 brugnons blancs 3 cuillères à soupe de sucre roux ou de sucre complet 3 pincées de poudre de réglisse Laver et sécher les fruits. Les couper en 2 et les dénoyauter, les couper en tranches. Dans un plat à tian, répartir les morceaux de brugnons en alternant les couleurs. Saupoudrer de sucre et de poudre de réglisse. Glisser au four à 150° (th.5) pendant 1h30 environ. Laisser refroidir avant de mettre au réfrigérateur. Vous pouvez également le déguster chaud à la sortie du four, accompagné de glace. Laissez-vous tenter par les tians sucrés : Tian de figues à l’huile d’olive et au vin blanc Tian de fruits d’été Tian de pêches.